Les prochaines élections présidentielles tunisiennes représentent un moment décisif pour l’avenir démocratique du pays, selon le « Comité pour la justice ». Dans un climat politique chargé et des préoccupations concernant les tendances autoritaires du président Kais Saied, la surveillance électorale indépendante est devenue cruciale pour garantir l’intégrité du processus.
Le « Comité pour la justice » a souligné ces enjeux dans son premier rapport sur les élections présidentielles, faisant partie de son initiative « Droit à des élections libres ». Le rapport, axé sur les conditions préélectorales avant le scrutin du 6 octobre, détaille les développements politiques récents affectant l’équité de l’élection.
Depuis que le président Saied a assumé des pouvoirs extraordinaires en juillet 2021—dissolvant le parlement, le Conseil supérieur de la magistrature et limogeant le Premier ministre Hichem Mechichi—la Tunisie a connu un glissement notable vers l’autoritarisme. La situation des défenseurs des droits de l’homme, des avocats, des journalistes, des militants et des juges s’est considérablement détériorée. En juillet 2022, Saied a remplacé la constitution de 2014 par un texte qu’il a rédigé, faisant passer le système politique de parlementaire à présidentiel, s’octroyant ainsi des pouvoirs exécutifs sans précédent.
Le rapport a également discuté des nouvelles lois électorales (Décret n° 55 de 2022), en vigueur depuis le 15 septembre 2022. Ces lois imposent des exigences strictes aux candidats, comme la collecte d’un nombre substantiel de soutiens de la part des électeurs, ce qui constitue un obstacle significatif pour les nouveaux candidats ou les candidats indépendants. De plus, le passage d’un système de représentation proportionnelle basé sur des listes de partis à des nominations individuelles sape l’opposition politique organisée et fragmente le paysage politique.
En outre, les nouvelles lois n’exigent plus l’égalité des sexes dans les listes de candidats et ne prévoient pas de dispositions spécifiques pour promouvoir la représentation des jeunes, marquant une régression en matière de représentation inclusive. Elles imposent également des contrôles stricts sur le financement des campagnes, avec des limites de dépenses rigoureuses et des exigences de rapport détaillées qui peuvent désavantager les candidats plus petits ou moins établis.
En conséquence, le climat politique est tendu, les partis d’opposition boycottant les élections en raison de craintes de concurrence déloyale, de l’arrestation d’opposants politiques et de ce qu’ils perçoivent comme une « farce électorale » imminente.
Le président Saied a effectivement compromis l’indépendance de l’Instance Supérieure Indépendante pour les Élections grâce au décret-loi 22, lui permettant de nommer et de révoquer ses membres. Les préoccupations concernant l’indépendance de l’autorité sont accrues par sa posture agressive envers les critiques, menaçant les médias et les organisations de la société civile de révoquer leur accréditation s’ils remettent en question son indépendance ou sa compétence. L’autorité a également pris des mesures juridiques contre les opposants politiques de Saied, défendant le décret-loi 54, adopté en 2022 sous prétexte de lutter contre la cybercriminalité mais principalement utilisé pour réprimer les critiques du régime.
Le rapport a détaillé les cas de répression contre les principaux opposants politiques avant les élections, notamment Abir Moussi, chef du Parti Destourien Libre, Rached Ghannouchi, chef du parti Ennahdha et ancien président du parlement, Ajmi Lourimi, secrétaire général du parti Ennahdha, Issam Chebbi, secrétaire général du parti Républicain, et d’autres qui ont été arrêtés.
Le rapport a conclu que la période préélectorale menant aux élections présidentielles de 2024 a été marquée par des préoccupations significatives concernant l’érosion des normes démocratiques et des droits de l’homme. Dans ce contexte, le rôle des organismes de surveillance des élections est crucial. L’initiative menée par l’Institut du Caire pour les études des droits de l’homme vise à garantir que le processus électoral respecte les normes démocratiques nationales et internationales.
Alors que la Tunisie se trouve à un carrefour, l’attention et le soutien internationaux sont essentiels pour protéger les principes démocratiques et les droits de l’homme. Les prochaines élections ne sont pas seulement un événement politique mais un test critique de la résilience de la démocratie tunisienne et de la protection des libertés fondamentales. Il est essentiel que toutes les parties prenantes travaillent ensemble pour garantir que le processus électoral soit équitable, transparent et inclusif, reflétant la véritable volonté du peuple tunisien.