Le Comité pour la Justice (CFJ) a indiqué que le régime actuel en Tunisie n’a pas seulement prononcé des condamnations sévères par l’intermédiaire de ses institutions judiciaires à l’encontre d’activistes, de politiques et de défenseurs des droits humains dans ce qu’on appelle l’affaire du « complot », mais il a aussi cherché à briser leur volonté en perpétrant des violations graves et inhumaines à leur encontre dans les centres de détention, visant à les isoler, à les intimider et à les terroriser.
Ces violations ne se limitent pas seulement à priver les détenus de leur droit à un procès équitable ; elles incluent également un traitement arbitraire et cruel à l’intérieur des prisons, notamment après des transferts violents et arbitraires vers des prisons éloignées et réputées difficiles, effectués sans informer leurs familles ou leurs avocats, ni sur la base d’un fondement juridique clair. Certains détenus ont été arrêtés violemment par des agents masqués avant d’être transférés secrètement.
Parmi les cas les plus marquants documentés par le comité figure celui de l’avocat et ancien ministre Ghazi Al-Shawashi, qui a été emmené dans la soirée du 29 mai 2025 depuis la prison de Maroungia par huit agents masqués. Il a été ligoté et battu jusqu’à perdre connaissance, puis transféré de force vers la prison d’El-Nadhour, dans le gouvernorat de Bizerte, sans que sa famille ou son avocat en soient informés — une démarche assimilable à une disparition forcée temporaire, constituant une violation flagrante des droits juridiques et humains les plus élémentaires.
À son arrivée à la prison d’El-Nadhour, Al-Shawashi a été placé dans une cellule surpeuplée avec plus de vingt autres détenus purgeant des peines lourdes, dans des conditions ne respectant même pas les normes minimales en matière de santé et de sécurité. Cela illustre clairement le caractère répressif de ces mesures et constitue une violation directe des normes internationales relatives au traitement des prisonniers.
D’autres figures de l’opposition détenues dans le même dossier ont également été soumises à des transferts arbitraires similaires, notamment Essam Al-Chaabi et Reda Belhaj, qui ont été envoyés vers des prisons reculées telles que Borj El-Roumi, Siliana, Borj El-Amri et El-Kef, sans explication ni coordination avec les autorités juridiques compétentes, soulevant de sérieuses interrogations quant aux véritables motifs de cette escalade.
Le CFJ considère ces transferts comme une violation grave de la loi tunisienne, selon laquelle un détenu ne peut être transféré vers un autre établissement pénitentiaire qu’après la décision finale et exécutoire d’un tribunal. Étant donné que les sentences prononcées contre ces personnes ne sont pas définitives – elles ont été rendues uniquement par des tribunaux de première instance – les autorités les traitent comme si elles étaient irrévocablement condamnées, ce qui témoigne d’un mépris total pour les procédures légales requises.
Le comité condamne également ces mesures pour avoir violé plusieurs traités internationaux ratifiés par la Tunisie, notamment l’article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques interdisant la torture ainsi que les traitements cruels, inhumains ou dégradants, et l’article 14 garantissant le droit à un procès équitable, bafoué par l’obstruction apportée à la communication avec les avocats. Ces actions violent également la règle 59 des Règles Nelson Mandela relatives au traitement des détenus, selon laquelle les prisonniers doivent être incarcérés dans un lieu aussi proche que possible de leur domicile, ainsi que la Déclaration relative à la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
Le CFJ alerte sur les risques de mauvais traitements et de représailles intentionnelles, particulièrement contre les détenus âgés ou souffrant de maladies chroniques. Le comité souligne que cette politique punitive vise à altérer leur santé physique et mentale, à les isoler du soutien familial et juridique, et finalement à briser leur résistance psychologique, ce qui contredit entièrement les principes d’humanité et les normes internationales des droits humains.
Le CFJ insiste également sur le fait que ces transferts s’opèrent en l’absence totale de surveillance indépendante des prisons, et sans permettre aux avocats de rencontrer leurs clients ou d’avoir accès aux conditions de détention, ce qui augmente encore le risque d’autres violations impunies et confirme que cet environnement non contrôlé encourage la poursuite des abus contre les détenus politiques sans crainte de sanctions.
Ainsi, le CFJ appelle la communauté internationale et les organismes spécialisés des Nations Unies – en particulier le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, le Rapporteur spécial sur la torture et le Groupe de travail sur la détention arbitraire – à intervenir immédiatement pour mettre un terme à ces violations graves et exercer des pressions sur les autorités tunisiennes afin qu’elles respectent leurs engagements internationaux et lancent des enquêtes indépendantes et impartiales sur les abus signalés dans les prisons.
En même temps, le CFJ tient pleinement responsable les autorités tunisiennes – et en particulier le Directeur général de l’administration des prisons et de la réforme – de la sécurité physique et mentale des détenus. Le comité exige des garanties réelles pour la protection de leurs droits fondamentaux, notamment le droit aux visites familiales et des avocats, des soins médicaux appropriés, des conditions de détention dignes, ainsi que l’arrêt immédiat des politiques de transferts arbitraires.