Le Comité pour la Justice (CFJ) a indiqué que les régimes répressifs visent à briser la volonté des défenseurs des droits humains, non seulement en les emprisonnant, mais aussi en violant plusieurs de leurs droits fondamentaux durant leur détention, dans une tentative d’ébranler leur libre arbitre. Cette situation exige une solidarité sérieuse et des efforts urgents pour mettre fin à l’injustice dont ces défenseurs des droits humains sont victimes, afin de renforcer leur résilience face à ces systèmes oppressifs.
Cela intervient alors que Le CFJ documente des violations flagrantes perpétrées contre le défenseur algérien des droits humains El-Taher Al-Arabi au sein de son lieu de détention, poussant ce dernier à annoncer une grève de la faim ouverte à partir du 21 avril 2025 — il y a plus de 35 jours — en guise de protestation contre ces violations ainsi que négligence continue de la part des autorités pénitentiaires, qui ont gravement affecté son état de santé.
El-Taher Al-Arabi est un défenseur des droits humains en Algérie et président de la section d’Aïn Beida Sidi Sheikh de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH), dissoute en 2022. Il a été arrêté le 18 septembre 2024, suite à des publications critiques qu’il avait diffusées sur les réseaux sociaux concernant l’exploitation des ressources naturelles par des investisseurs étrangers et la répression politique en Algérie. Il a été jugé dans deux affaires distinctes.
Dans la première affaire, il a été poursuivi pour plusieurs publications effectuées sur les réseaux sociaux en 2023, dans lesquelles il dénonçait l’utilisation des terres d’Aïn Beida par des citoyens qataris à des fins de chasse, alors qu’il est interdit aux habitants locaux d’y faire paître leur bétail, décrivant ces investissements comme une forme moderne de colonialisme. Il avait également publié des commentaires sur le soulèvement populaire de 2019, les politiques de déplacement forcé, ainsi que l’absence d’infrastructures de base dans la région.
Dans une deuxième affaire, il a été traduit devant la justice pour trois publications satiriques remettant en question la légitimité des élections présidentielles prévues pour le 7 septembre 2024. Il a été inculpé de « outrage au Président de la République », de « nuisance à l’image des forces de sécurité » et de « publication de messages nuisant à l’intérêt national ».
Le 26 septembre 2024, il a initialement été condamné à 15 ans de prison ferme et à une amende de 1,5 million de dinars algériens. Toutefois, en appel le 20 novembre 2024, sa peine a été réduite à quatre ans d’emprisonnement. Durant sa détention, il a été soumis à de nombreuses violations et négligences, ce qui l’a conduit à entamer récemment une grève de la faim à la fin du mois d’avril.
Le CFJ exprime une vive inquiétude quant à la détérioration de l’état de santé d’Al-Arabi depuis le début de sa grève de la faim. Malgré les multiples démarches de sa famille adressées au procureur général, à l’administration pénitentiaire et au personnel médical, aucune mesure immédiate ou significative n’a été prise pour garantir son droit légitime à des soins médicaux ou le protéger du danger mortel qu’il court. Son fils a confirmé, après lui avoir rendu visite le 14 mai de cette année, que son état s’était gravement aggravé, le laissant maigre et affaibli, dans une situation humanitaire et sanitaire critique.
En outre, et dans un acte de représailles et de punition, le 26 mai 2025 — le 36e jour de sa grève de la faim — El-Taher Al-Arabi a été transféré arbitrairement vers la prison de « Labadala » située dans la wilaya de Béchar, à plus de 500 kilomètres de son lieu de résidence initial à Aïn Beida Sidi Sheikh, sans justification juridique ou médicale valable pour ce transfert. Cela semble être une mesure punitive visant à l’isoler de sa famille et à aggraver ses souffrances physiques et psychologiques, ce qui contredit les normes les plus élémentaires de traitement humain applicables à des personnes dans sa condition, particulièrement en raison de son état de santé critique.
Le CFJ condamne fermement cette approche répressive adoptée par les autorités algériennes à l’encontre des militants des droits humains, soulignant que ce qu’endure Al-Arabi constitue une violation flagrante des standards internationaux relatifs au traitement des détenus, notamment le droit à la santé, à l’intégrité physique et à la dignité humaine. Ce comportement viole clairement les engagements internationaux de l’Algérie, en particulier ceux inscrits dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par l’Algérie en 1989, et qui garantit la liberté d’expression ainsi que le droit de défendre les droits humains.
Il convient de noter que le cas d’El-Taher Al-Arabi, ainsi que celui du journaliste Mustafa Ben Jamaa, ont attiré l’attention internationale. Le 27 février 2025, trois Rapporteurs spéciaux des Nations Unies ont envoyé une lettre officielle aux autorités algériennes exprimant une profonde inquiétude face aux violations systématiques ciblant les défenseurs des droits humains et les journalistes en Algérie, en raison de l’exercice légitime de leur liberté d’expression et de leur participation à la vie publique.
Au vu de tout ce qui précède, Le CFJ appelle à la libération immédiate et inconditionnelle d’El-Taher Al-Arabi, qu’il considère comme un prisonnier d’opinion. Le comité exhorte également à lui fournir des soins médicaux urgents, impartiaux et indépendants de toute ingérence administrative ou politique.
Le CFJ tient les autorités algériennes pleinement responsables de tout préjudice causé à sa vie ou à sa santé en raison d’une négligence médicale délibérée, et souligne que sa détention prolongée constitue une violation manifeste des lois internationales et des droits fondamentaux garantis par les traités internationaux.