Des experts des droits de l’homme mandatés par les Nations Unies ont demandé aux autorités algériennes de fournir sans délai des explications concernant la situation du journaliste et militant politique Mustapha Bendjama ainsi que celle du militant civil Tahar Larbi, après avoir reçu des informations faisant état de possibles violations commises à leur encontre en raison de leur participation à des activités pacifiques ou de la publication de leurs opinions politiques sur les réseaux sociaux.
La note des Nations Unies envoyée par la Rapporteuse spéciale sur la liberté d’expression, la Rapporteuse spéciale sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, ainsi que par le Groupe de travail sur la détention arbitraire, indique que les informations disponibles montrent que Mustapha Bendjama a été victime d’une nouvelle arrestation arbitraire le 30 décembre 2024, malgré une décision judiciaire antérieure levant l’interdiction de quitter le pays datant d’avril 2022. Il aurait été arrêté par des forces de sécurité civile dans la wilaya d’Annaba, sans être informé clairement des motifs de son arrestation. Son téléphone personnel aurait été fouillé et ses contenus copiés sans la présence d’un avocat ni de témoins.
Après deux jours de détention, Mustapha Bendjama a comparu devant le procureur général, où sa garde à vue a été prolongée et des mesures de contrôle judiciaire lui ont été imposées, notamment une interdiction de quitter la ville d’Annaba ainsi que le territoire national, avec obligation de se présenter hebdomadairement devant la police locale. Il a été inculpé selon plusieurs articles du Code pénal algérien, notamment l’article 79 relatif à l’atteinte à l’intégrité territoriale nationale, l’article 96 concernant la diffusion d’informations pouvant nuire à l’intérêt national, et l’article 196 bis relatif à la diffusion d’informations fausses ou diffamatoires menaçant l’ordre public.
Concernant le cas de Tahar Larbi, il a été arrêté en mai 2020 et inculpé selon les mêmes dispositions légales, avant d’être condamné à six mois de prison ferme assortis d’une amende financière. Toutefois, un second incident a conduit à sa réinculpation après avoir reposté plusieurs messages sur les réseaux sociaux entre janvier et avril 2023, dans lesquels il dénonçait certaines politiques gouvernementales, notamment l’utilisation des terres agricoles de la wilaya d’El Bayadh au profit d’investisseurs étrangers. En septembre 2024, il a été jugé à nouveau et condamné à sept ans de prison pour la première affaire et huit ans pour la seconde, en plus de lourdes amendes financières.
Les experts onusiens ont mis en garde contre l’utilisation de dispositions juridiques vagues et imprécises telles que les articles 79, 96 et 196 bis du Code pénal algérien, utilisées pour criminaliser la critique politique ou l’expression pacifique d’opinions. Ils ont souligné que ces textes ne respectent pas les critères universels de transparence, de nécessité et de proportionnalité définis dans les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par l’Algérie.
Ils ont exprimé un profond souci quant à ce qui semble être une persécution systématique visant journalistes, militants, défenseurs des droits de l’homme et opposants politiques qui osent critiquer les politiques publiques ou participer à des mouvements populaires pacifiques comme le Hirak.
Ils ont insisté sur la nécessité d’ouvrir une enquête indépendante et impartiale sur les violations signalées, de libérer immédiatement Mustapha Bendjama si son arrestation s’avère arbitraire, et d’annuler les condamnations prononcées contre Tahar Larbi si elles découlent de l’exercice légitime de leurs droits fondamentaux.
Enfin, les experts ont exhorté les autorités algériennes à revoir en profondeur la législation concernée, notamment les articles utilisés pour réprimer les libertés publiques, afin de les aligner sur les normes internationales en matière de droits de l’homme.