Le Committee for Justice exprime sa profonde préoccupation face au maintien en détention de l’ancien ministre des droits de l’homme et bâtonnier, Mohamed Ziane, âgé de 83 ans, et ce malgré l’achèvement effectif de sa première peine d’emprisonnement, ainsi qu’en raison de son état de santé critique et de son âge avancé.
La chambre criminelle d’appel de Rabat a récemment décidé de réduire la peine prononcée dans ce que l’on appelle l’affaire de « détournement et dilapidation de fonds publics » à trois ans de prison ferme au lieu de cinq ans en première instance, alors même que le bâtonnier Ziane purge déjà une autre peine de trois ans dans un dossier controversé lié à ses positions politiques et à ses critiques publiques des autorités depuis le mouvement du 20 février 2011.
Depuis son arrestation en novembre 2022, le bâtonnier Ziane fait l’objet de poursuites sur la base de onze chefs d’accusation que sa défense, ainsi que de nombreuses organisations de droits humains marocaines et internationales, considèrent comme « directement liés à son droit à la liberté d’expression et à ses activités en tant qu’avocat et homme politique d’opposition ». Au cours des audiences, Ziane a révélé de graves violations procédurales, notamment en ce qui concerne la plainte ayant servi de base aux poursuites, déposée dans des conditions ne répondant pas aux exigences légales en vigueur.
Les condamnations prononcées à l’encontre du bâtonnier Ziane, ainsi que les contradictions et irrégularités qui les entourent, ont suscité une large vague de critiques de la part d’organisations de défense des droits humains, tant au niveau national qu’international. Plusieurs organisations ont adressé aux autorités marocaines des appels demandant sa libération, compte tenu de son âge et de son état de santé, et proposant le recours à des alternatives légales telles que l’assignation à résidence.
Dans un geste à forte portée politique, le secrétaire général du parti que Ziane présidait auparavant, et auteur des plaintes à l’origine de la procédure, a adressé une lettre au roi Mohammed VI sollicitant la grâce royale en faveur du bâtonnier Ziane, au regard de la gravité de son état de santé et de son grand âge.
Récemment, une manifestation a eu lieu à Rabat devant la cour d’appel, organisée par le collectif « Hemam » aux côtés de défenseur·e·s des droits humains et de militant·e·s, pour réclamer la libération du bâtonnier Ziane, parallèlement à l’audience consacrée à la demande de fusion des peines conformément au droit marocain, notamment après l’achèvement de la première peine. Les participant·e·s ont brandi des portraits et des pancartes dénonçant la poursuite de sa détention comme une « vengeance délibérée » en dehors des règles d’une justice impartiale, et comme une « instrumentalisation punitive » du système judiciaire.
Dans le même contexte, le mouvement de jeunesse qui avait conduit les manifestations pacifiques de septembre dernier a publié un communiqué exprimant sa solidarité avec le bâtonnier Ziane et sa condamnation des « abus commis à son encontre ». Le mouvement a estimé que « le maintien en détention d’un citoyen de 83 ans, souffrant de multiples pathologies, sous prétexte d’une détention provisoire dans une autre affaire, constitue un abus flagrant de la loi et une transformation de celle-ci en un outil de représailles et de règlements de comptes ».
La famille du bâtonnier a, de son côté, annoncé que Mohamed Ziane a entamé une grève de la faim illimitée pour protester contre ce qu’elle qualifie de « détention arbitraire », affirmant qu’il recourra à tous les moyens juridiques disponibles pour mettre fin à cette situation.
Le Comité pour la justice rappelle que les normes internationales relatives aux droits humains, en particulier celles qui concernent la protection des personnes âgées et les garanties d’un procès équitable, imposent l’adoption de mesures proportionnées et humaines, et interdisent toute forme de détention arbitraire ou injustifiée. Le maintien en détention du bâtonnier Ziane, dans ces circonstances et en l’absence de justifications juridiques convaincantes, constitue une violation de ces normes et de ses droits fondamentaux à l’intégrité physique, à la liberté et à un procès équitable.
En conséquence, le Comité pour la justice appelle les autorités marocaines à :
Libérer immédiatement et sans condition le bâtonnier Mohamed Ziane ;
- Examiner sérieusement les demandes de grâce ou les alternatives à la détention, compte tenu de son état de santé et de son âge avancé ;
- Garantir un réexamen judiciaire indépendant et impartial de son dossier, conforme aux normes d’un procès équitable ;
- Mettre fin à l’utilisation de la justice comme instrument de pression contre les opposant·e·s et les défenseur·e·s des droits humains ;
- Enquêter sur les violations procédurales signalées par sa défense et poursuivre les responsables le cas échéant.
Le Comité pour la justice souligne que l’affaire du bâtonnier Ziane illustre une régression préoccupante en matière de libertés publiques au Maroc, concomitante avec les condamnations « injustes et sévères » prononcées contre les jeunes ayant participé aux récentes manifestations pacifiques, ce qui menace de saper davantage la confiance des citoyen·ne·s dans la justice et d’aggraver la crise de l’État de droit.



