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Tunisie: Le CFJ dénonce la décision de retirer la reconnaissance de la compétence de la Cour africaine et appelle à son annulation pour garantir l’accès à la justice

Le Comité pour la Justice (CFJ) a déclaré que la régression du régime tunisien par rapport aux acquis en matière de droits de l’homme obtenus après la révolution du Jasmin est devenue la politique dominante dans le pays depuis les décisions du « Juillet noir ». La Tunisie a connu un net recul des libertés publiques et des droits humains, le gouvernement adoptant des politiques restrictives qui limitent les libertés individuelles et publiques, imposant des contraintes sévères au travail de la société civile et des organisations de défense des droits humains, ce qui a délibérément étouffé l’espace des libertés considéré comme l’une des réalisations les plus importantes de la révolution tunisienne.

Le 3 mars, les autorités tunisiennes ont décidé, de manière inattendue et « presque secrète », de retirer leur reconnaissance de la compétence de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples pour recevoir des requêtes émanant d’individus et d’organisations non gouvernementales. La nouvelle a fuité via les réseaux sociaux, tandis que les pages officielles de la présidence et du ministère des Affaires étrangères n’ont publié aucun communiqué officiel confirmant ou infirmant la décision. Cela a été perçu comme une tentative du régime d’échapper aux réactions négatives que susciterait cette décision controversée.

La Tunisie a ratifié la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples en 1983, qui constitue le principal document de protection des droits de l’homme sur le continent. En 2004, la Tunisie a adhéré au Protocole facultatif de la Charte, qui a établi la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, devenant officiellement partie à la Cour en 2007. Cette adhésion a permis aux citoyens tunisiens et aux ONG de déposer directement des plaintes auprès de la Cour après avoir épuisé toutes les voies de recours locales.

Après la révolution de 2011, la Tunisie a réaffirmé son engagement en faveur des droits humains en permettant aux citoyens de recourir à la Cour africaine comme mécanisme régional pour garantir la justice. Cette démarche s’inscrivait dans le cadre de efforts plus larges visant à renforcer la jeune démocratie tunisienne et à établir l’État de droit. Les militants tunisiens et les organisations de défense des droits de l’homme ont utilisé ce mécanisme pour traiter des violations, en raison notamment des lacunes dans les mécanismes de responsabilité locale.

La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples est une institution clé dans le système régional de protection des droits et des libertés. Elle offre aux individus et aux organisations la possibilité de demander justice après avoir épuisé les recours internes. La Cour a joué un rôle crucial dans la promotion des droits humains en Tunisie, en rendant plusieurs décisions qui ont contribué à protéger les libertés individuelles et publiques. Par exemple, la Cour a rendu des décisions importantes concernant la liberté d’expression et de réunion, offrant un soutien juridique aux militants et défenseurs des droits humains en Tunisie.

À la suite de l’annonce par le président Kais Saied des mesures exceptionnelles le 25 juillet 2021 — qui incluaient la dissolution du parlement, du Conseil supérieur de la magistrature, la suspension de la constitution et la publication du décret 117 consolidant les pouvoirs — la Cour africaine a reçu des plaintes émanant de figures de l’opposition cherchant à contester ce qu’ils considéraient comme de l’autoritarisme. La Cour a ensuite rendu une décision déclarant le décret 117 inconstitutionnel, ce qui a poussé le régime à se désolidariser des décisions et des jugements de la Cour.

Le CFJ considère que cette décision soudaine, prise sans débat public ni consultation de la société civile, constitue un coup dur et un sérieux revers pour les droits humains en Tunisie. Le comité affirme que cette décision vise à limiter l’accès des victimes à un mécanisme régional indépendant de justice et de réparation. De plus, elle reflète une tendance dangereuse visant à saper les recours judiciaires et à favoriser un climat d’impunité, en particulier dans un contexte marqué par l’aggravation des violations des droits humains et l’intensification des attaques contre la société civile et les défenseurs des libertés. Cette décision s’inscrit dans des efforts plus vastes visant à restreindre les libertés et à affaiblir les mécanismes de responsabilité internationale et régionale, suscitant des inquiétudes quant aux abus qui se poursuivraient sans garanties suffisantes de responsabilité.

Le CFJ condamne fermement la décision des autorités tunisiennes de retirer la reconnaissance de la compétence de la Cour africaine et exige son « annulation immédiate ». Le comité souligne que cette reconnaissance n’est pas simplement symbolique mais constitue une nécessité cruciale pour garantir l’engagement continu de la Tunisie en faveur des droits humains et de la protection des libertés fondamentales. Le CFJ insiste également sur l’importance de respecter les obligations internationales de la Tunisie, y compris la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, et de veiller à ce que les individus conservent le droit de demander justice devant les instances judiciaires régionales et internationales.

Le CFJ appelle en outre à la fin de toutes les politiques qui restreignent la société civile en Tunisie, y compris les restrictions arbitraires imposées aux ONG et les attaques systématiques contre les défenseurs des droits humains. La poursuite de telles politiques représente une violation flagrante des principes démocratiques qui ont sous-tendu la révolution tunisienne et menace de ramener le pays à l’ère de la répression et des abus qui ont précédé la révolution.

En outre, le CFJ appelle à une enquête indépendante et impartiale sur toutes les violations documentées des droits humains depuis les décisions de juillet 2021 et à ce que les responsables de ces violations soient traduits en justice. L’absence de poursuites contre les auteurs de ces abus renforce l’impunité et encourage de nouvelles violations.

Enfin, le CFJ exhorte la communauté internationale — en particulier l’Union africaine — à adopter une position ferme contre cette mesure. Le comité avertit que le silence de la communauté internationale face à ces violations enverrait un signal négatif encourageant les restrictions persistantes des libertés en Tunisie. Le CFJ appelle également les organisations internationales et régionales à faire pression sur les autorités tunisiennes pour qu’elles respectent les normes internationales en matière de droits humains et garantissent le droit au procès et à la justice.

 

Le Comité pour la Justice (CFJ)

23 mars 2025